Prise de position de Céline Amaudruz, conseillère nationale, vice-présidente UDC suisse
 

Bundesamt für Polizei
Stab/Rechtsdienst
CH-3003 Bern


Genève, le 11 décembre 2017


Concerne : Reprise de la directive européenne 2017/853 relative aux armes dans le droit suisse.

Madame, Monsieur,

Dans le cadre de la consultation relative à l'objet cité en titre, je me permets de vous faire part de mes observations.

En préambule, j'aimerais relever que la directive 2017/853 suinte la défiance que la Commission européenne éprouve à l'égard de chaque citoyen en qui elle voit un délinquant potentiel. Une telle philosophie politique heurte de plein fouet la nôtre basée sur la confiance que l'Etat place dans le citoyen qui, en retour, s'en montre digne. On ne saurait donc bouleverser un pilier fondamental de nos institutions pour complaire à la commission à qui le terme confiance est étranger; la traduction en droit suisse ne peut dès lors être envisagée sous l'angle voulu par Bruxelles.

Autre remarque préliminaire, le durcissement voulu par Bruxelles n'a pas la moindre chance d'atteindre son but, à savoir lutter contre le terrorisme. A l'heure actuelle, aucun attentat commis au moyen d'une arme à feu ne l'a été au moyen d'une arme détenue légalement. Les dispositions actuelles suffiraient largement dès lors qu'on voudrait bien les appliquer. La France connait une législation particulièrement restrictive, pourtant elle est volontiers la cible des terroristes. Avec sa directive, la commission européenne s'en prend aux détenteurs respectueux des lois qui ne présentent évidemment aucun danger. C'est pourtant eux qui feront les frais d'une directive liberticide, les terroristes n'ayant bien sûr que peu de respect pour l'arsenal législatif. Le but visé n'ayant aucune chance d'être atteint, le texte est ainsi inutile et doit donc être rejeté.

Enfin, pour terminer cette entrée en matière, je rappelle qu'en 2005, lorsque nous nous sommes prononcés sur les accords de Schengen/Dublin, le Conseil fédéral avait rassuré la population, affirmant que les craintes relatives à un durcissement drastique de notre droit étaient infondées. Il est évident que le gouvernement n'a aucune envie de tenir les engagements pris à l'époque, ce qui laisse à penser que la parole fédérale ne vaut guère. C'est fâcheux.

Je souhaite maintenant évoquer les aspects constitutionnels mis à mal par cette directive. L'article 107, chiffre 1 de notre constitution prévoit que la Confédération légifère afin de lutter contre l’usage abusif d'armes, d'accessoires d'armes et de munitions. C'est bien l'usage abusif qui est évoqué et l'usage abusif seul. Avec la prise en compte de la directive, on entend réglementer l'usage normal des armes, chose qui contrevient à notre charte fondamentale. L'article 23 chiffre 3 est également mis à mal par la directive qui oblige les détenteurs d'armes à faire partie d'une société de tir. Notre constitution précise que nul ne peut être contraint d'adhérer à une association ou d'y appartenir. La reprise du texte européen dans notre droit n'est pas compatible avec notre constitution, il convient donc d'en supprimer les dispositions litigieuses.

Je relève également que la directive prévoit que les armes semi-automatiques conservées au terme des obligations militaires devront être annoncées à l'autorité et enregistrées a posteriori malgré plusieurs décisions démocratiques contraires. De plus, il faudra pour demeurer propriétaire faire non seulement partie d'une société de tir comme déjà évoqué plus haut mais aussi justifier d'une pratique régulière du tir. On ne précise pas la fréquence "régulière", pas plus que l'organe chargé de vérifier la régularité imposée. Il convient également de signaler que les stands de tir, dans leur immense majorité, sont conçus pour accueillir exclusivement des armes d'ordonnance et de sport. Compte tenu de cet élément, on voit mal comment un détenteur d'autres armes semi-automatiques pourrait remplir la condition de tir régulier.

Les complications et chicanes introduites ne manqueront pas de dissuader un militaire de conserver son arme au terme de ses obligations. Face aux exigences nouvelles, il renoncera, ce qui aura un impact sur les sociétés de tir qui reçoivent de nombreux tireurs occasionnels intéressés par l'un ou l'autre tir, obligatoire, en campagne ou autre.

Le sport de masse, racine du sport d'élite, verra ses adeptes fondre comme neige au soleil au vu des difficultés prévues. Le succès que le tir rencontre auprès des adolescents et jeunes tireurs sera fortement remis en cause eu égard aux conditions imposées à la relève qui se détournera du tir alors qu'à Genève, de nombreux candidats ne peuvent être admis faute de moniteurs. C'est bien le nombre de moniteurs qu'il faut augmenter et non baisser celui des candidats.

En résumé, le projet qui nous est soumis en consultation n'atteint pas ses objectifs de sécurité, est anticonstitutionnel et met en péril notre tradition du tir ainsi que notre droit libéral concernant les armes. Il convient ainsi de rejeter le texte proposé dans sa totalité.

En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous donnerez à la présente, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à mes sentiments distingués.

Céline Amaudruz