Révision de la loi sur les armes : le combat du GHA
Depuis des années, nos autorités cherchent à adapter la loi sur les armes (LArm) à celles des pays voisins. Cette démarche serait moins discutable, si les résultats obtenus par des législations étrangères plus restrictives étaient meilleurs que ceux de la Suisse.
En disant oui à Schengen, le Souverain a renoncé à ses compétences dans le domaine des armes. La Suisse doit donc s’adapter aux lignes directrices de Schengen, et soumettre aux Chambres en 2006 un projet d'adaptation de la loi, soi-disant, pour en préciser les termes.
Cette révision prévoit un certain nombre d’allégements et de privilèges en faveur des chasseurs, des tireurs et des sociétés de tir aux armes à air comprimé. Par contre, les collectionneurs sont exclus de ces aménagements, quand bien même le Conseil fédéral , avait promis de leur accorder des facilités identiques lors de la campagne sur Schengen.
Les collectionneurs doivent être traités sur un pied d'égalité et bénéficier, eux aussi, d'une exemption de l’obligation du permis d’achat. Cette revendication est justifiée par l’article 107 de la Constitution qui sert de fondement à la législation sur les armes et se limite à combattre l’usage abusif sans avoir pour objet une interdiction générale. Déjà en 1992, le Conseil fédéral a confirmé cette limitation:
Le texte de la disposition constitutionnelle précise clairement les limites d’une législation fédérale, empêcher seulement l’usage abusif, donc promulguer une loi contre les excès. En même temps, il s’agit de souligner que la future loi fédérale devra tenir compte des particularités suisses, notamment celle de la tradition historique du citoyen-soldat... (réponse du 16.10.1992 à l’ancien Conseiller national Borel)
Le Tribunal fédéral partage ce point de vue. Bien qu’il ne puisse pas contrôler la constitutionalité des lois fédérales, le Tribunal relève dans son arrêt du 29 octobre 2001 (Maag contre Ct. Vaud) :
" L'article de la Constitution a donné à la Confédération la compétence d'édicter des prescriptions contre l'usage abusif des armes, il ne s'agit cependant pas d'un pouvoir illimité en matière de commerce et de port d'armes, mais d'une compétence partielle, limitée à la lutte contre les abus."
La Constitution fixe les limites de la loi et les collectionneurs ne représentent pas un risque, c’est le Conseiller fédéral Arnold Koller lui-même qui le dit lors des débats au Conseil national le 4 mars 1997
… Précisément, ni les collectionneurs d’armes, ni les tireurs sportifs ne présentent, sous l’angle de l’usage abusif, un problème …
Nous ne voulons pas de nouvelles contraintes qui restreignent nos activités de collectionneurs. Elles violent les garanties prévues par la Constitution et sont arbitraires.
L’Union européenne relativise elle-même la portée des interdictions prévues par Schengen. Ainsi, la Directive du Conseil 91/447/CEE / 18.06.1991 (Journal officiel des Communautés européennes No L 256/51 / 13.09.1991) sur l'achat et la détention d’armes exempte spécifiquement les collectionneurs et les musées de son application :
Directive-Art. 2, alinéa 2 « La présente directive ne s’applique pas à l’acquisition et à la détention, conformément à la législation nationale, d’armes et de munitions par les forces armées, la police ou les services publics ou les collectionneurs et organismes à vocation culturelle et historique en matière d’armes et reconnus comme tels par l’État membre sur le territoire duquel ils sont établis. Elle ne s’applique pas non plus aux transferts commerciaux d’armes et de munition de guerre. »
Sur le même sujet, la réponse du Conseil fédéral à la question du Conseiller national Hans Werner Widrig (01.5087) à propos des conséquences de Schengen est on ne peut plus claire :
Ni les chasseurs, ni les tireurs sportifs, ni les collectionneurs ne seront notablement restreints dans l’exercice de leurs activités, tout au plus pourrait-il y avoir une obligation d’autorisation ou de déclaration pour certaines armes.
Le Département de Justice et police précise dans une « facts sheet » (sic) sur Internet (consultation du 10 juin 2003) que les directives de l’UE ne sont pas applicables aux collectionneurs, policiers et militaires.
Ce qui précède tend à démontrer que la situation devrait être simple et limpide. Or, il n'en est rien, car toutes les démarches que nous avons entrepris pour faire accepter notre point de vue se sont heurtées à un refus.
Démarche du GHA
Depuis sa fondation, le Groupement d’intérêts Histoire et Armes (GHA) s’est engagé en faveur d’une législation sur les armes qui respecte les traditions des collectionneurs et se limite à la lutte contre les abus, comme la Constitution le prévoit.
Nous sommes d’avis que la loi sur les armes, entrée en vigueur le 1er janvier 1998, remplit ce but et qu’il n’existe pas, dans notre domaine, de motifs valables justifiant une aggravation de ses dispositions.
Conscients que l’adoption des accords de Schengen servirait d'alibi et de prétexte pour ajouter de nouvelles contraintes, nous avons soutenu le référendum.
Croyant à l’honnêté des autorités, nous sommes intervenus auprès d’eux afin qu’elles tiennent compte du contenu de la Directive du Conseil 91/447/CEE du 18.06.1991 concernant les musées et les collectionneurs et nous avons participé à toutes les procédures de consultations.
Le GHA en opposition avec la Conseillère fédérale Ruth Metzler
Dès mars 2001, le Conseil fédéral charge le Département fédéral de justice et police de réviser partiellement la loi sur les armes. A cette époque, il n'était pas encore question d'une adaptation à la législation européenne, mais de corriger un certain nombre de lacunes.
Lors de la mise en consultation des projets de révision en 2002 et 2003 par Département fédéral de justice et police nous ne nous sommes pas contentés d'exprimer nos réserves, mais nous avons aussi voulu attaquer le mal à la racine en proposant de modifier le Code pénal afin de punir plus sévèrement l'usage abusif d'armes.
A plusieurs reprises, nous avons demandé à Madame la Conseillère fédérale Metzler de nous donner l'occasion de participer au groupe de travail « Droit des armes ». Cette offre visait à faire entendre, sans prétention, une voix à notre avis compétente qui aurait peut-être permis d'éviter les nombreuses erreurs techniques, juridiques, linguistiques et rédactionnelles du projet.
A titre d’illustration, dans le texte français les spécialistes du Département, à propos des objets dangereux, ont traduit « Küchengeräte » (ustensiles de cuisine) donc couteau, rouleau à pâte ou hachoir à viande, par « Appareils de cuisine » désignation utilisée aussi bien pour une machine à café ou un mixer !
Madame Metzler nous a toujours répondu NON.
A la suite du peu d'attention rencontrée par nos propositions et du maintien du scandaleux article 29, Madame Metzler est devenue pour nous une « persona non grata ». Nous lui avons adressé un ultime courrier et réitéré nos critiques à propos de cet article sans jamais recevoir de réponse.
Peu avant l'élection du Conseil fédéral en 2003, une copie de cette lettre a été expédiée à plus de cent parlementaires. Quinze nous ont répondu favorablement, y compris trois membres du PDC.
Un vent nouveau souffle sur le Département de justice et police
Après l’élection de Monsieur Christophe Blocher, considérant que le nouveau Conseiller fédéral s’était montré plutôt sceptique à l’égard de Schengen, nous escomptions un soutien plus effectif.
Au début, cet espoir s'est révélé fondé puisqu'au printemps 2004, nous recevons une invitation pour une discussion avec des représentants du Département. Messieurs von Däniken et Mebes ont reçu le soussigné délégué par le GHA, mais aussi en tant que président en exercice de l’Association suisse pour l’étude des armes et armures (ASEAA).
Cette occasion est mise a profit pour expliquer notre position à quant certaines dispositions de la révision partielle et, anticipant sur les possibles conséquences de Schengen, pour insister sur une transposition favorable aux collectionneurs des directives européennes:
La réaction de nos interlocuteurs n'est pas négative, voire plutôt favorable.
Conforté par cette discussion, Thomas Hug, président du musée militaire suisse Full-Reuenthal et docteur en droit transcrit l’article 2 de la Directive de l’UE et prépare un projet compatible avec le droit suisse comportant les dérogations accordées par la Directive aux musées et collectionneurs.
Ce texte est envoyé au printemps 2004 à Madame Monique Jametti Greiner, directrice adjointe au Département de justice et police, responsable de la rédaction du projet de révision.
Cette proposition s’articule en quatre points :
Après le vent la tempête
Pour préparer l'approbation par le Parlement des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne, le bureau de l'intégration DFAE/DFE, dépendant de la Conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey et du Conseiller fédéral Joseph Deiss, est chargé au printemps 2004 de reprendre l'ensemble des dossiers dont celui des armes.
A la suite de la mise en consultation du projet concernant les bilatérales II nous envoyons à ce bureau une prise de position (06.09.04) où nous renouvelons nos réserves et insistons pour que la situation particulière des collectionneurs et des musées soit prise en considération.
Ni nos propositions, ni nos objurgations ne trouverons grâce.
Nous sommes alors intervenus directement auprès de Madame Calmy-Rey et de Monsieur Deiss pour leur rappeler le contenu de la Directive de l’Union européenne ainsi que les promesses et déclarations des autorités en particulier celle figurant dans la notice éditée par le Département de justice et police.
La réponse que nous avons reçue est indigne de nos deux magistrats, tant sur le plan de la connaissance du dossier que de la sémantique.
Le texte de la notice disait ceci : Il faut souligner que la directive ne s'applique ni aux collectionneurs, ni aux forces de police ou militaires...
Réponse des deux chefs de Départements : Malheureusement, sur cette question, la formulation du texte de la notice du Département de justice et police prête à confusion.
Retour à la case départ.
Le Bureau de l'intégration n'étant pas disposé à dialoguer, nous décidons de revenir vers le Conseiller fédéral Blocher.
Le Parlement doit approuver, durant la session d'hiver 2004, tout un ensemble de propositions du Conseil fédéral concernant les bilatérales II, dont le projet de révision partielle de la loi sur les armes.
Avant les débats, nous sollicitons à nouveau Monsieur Blocher et quelques membres du Parlement en les priant de faire insérer un texte exemptant les collectionneurs et les musées de l’obligation d'autorisation.
Nous n'obtenons guère plus de succès. Le 7 décembre, les Chambres acceptent le paquet des Bilatérales II.
Dans un courrier du 21 décembre, le Conseiller fédéral Blocher nous informe qu'une « révision interne » au Département aura lieu plus tard et ajoute que nous pourrons faire valoir nos propositions dans le cadre de ce processus.
Qu’elle n’est pas notre stupéfaction, lorsqu'en automne 2005, l’Office fédéral de la police nous informe qu'il ignore tout de notre dossier. L'Office précise qu'il ne sera de toute manière pas possible d’y donner suite étant donné la charge de travail trop importante que cela constituerait, ainsi que du risque de voir des milieux interlopes n'utilisent à leur profit les facilités que nous demandons.
En novembre 2005, l'occasion nous est donnée personnellement de reparler du problème au Conseiller fédéral Blocher qui suggère l’envoi d’un courrier directement à son adresse.
Fort de cette invite, nous lui transmettons un dossier complet le 18 novembre qui nous vaut le 20 janvier 2006 une réponse négative motivée en deux points :
Voilà qui démontre qu’il y a deux poids et deux mesures, car :
Nous avons répondu au (13.02.06) au Conseiller fédéral et déploré le défaut de réalisation des promesses faites à la veille du scrutin sur Schengen et l'exclusion des collectionneurs.
Nous l'informons également que devant l'échec de nos démarches, nous en appellerons aux parlementaires.
L’échange de correspondance ne s’est pas arrêté pour autant. Le 2 mars 2006, le directeur de l’Office fédéral de la police, Monsieur Jean-Luc Vez écrit, peut être pour calmer le jeu, qu’il importait peu d'inscrire nos revendications au niveau d'une loi ou d'une simple ordonnance qui permet de tenir plus facilement compte des détails et de les adapter sur mesure au cas particulier.
Certes, mais rappelons une fois encore qu’une ordonnance ne peut contenir que ce que la loi autorise.
Les expériences que nous avons vécues pour faire reconnaître nos droits tout au long de ces années justifient une question de fond : l’attitude adoptée par certains milieux à Berne n’est elle pas une tactique préprogrammée et savamment orchestrée pour éliminer les collectionneurs et finalement s’en prendre à tous les citoyens suisses pour les désarmer.
La seule possibilité qui permette d’aboutir à une solution favorable pour nous et tous ceux que nous représentons est de prendre la voie du Parlement.
Proposition de transposition de la directive 91/447/ CEE
Proposition d’un article supplementaire Larm
Art. 2, chif. 4 Les collectionneurs les organismes, reconnus officiellement, se consacrant culturellement et historiquement aux armes sont libérés de l’obligation d’autorisation pour l’achat et la possession d’armes et de munitions.
Les compétences nécessaires au Conseil fédéral pour régler les détails sont prévus à l’article 40 LArm.
GHA / Jean Maag
Gland, avril 2006