Histoire et collection

L'impossible Colt

 

 

Dans une bourse aux armes, je suis tombé sur ce Colt Police Positive, en état satisfaisant - détail intéressant- marqué "RHKP 7072" à l'arrière de la crosse. "Royal Hong Kong Police, numéro 7072".

 

 

Le revolver porte de nombreuses traces d'usage à l'extérieur. On voit qu'il a été dégainé et rengaine, souvent, mais l'état du canon montre qu'il a fort peu tiré. L'inspecteur Chan était bien entraîné, mais n'a pas eu à se servir souvent de son arme.

Sur le côté gauche du canon, le calibre est précisé :".38 SPECIAL CTG." Enchanté de mon achat, j'ai fait quelques recherches sur la connexion Colt-Hong Kong, sans résultat. Puis, j'ai voulu essayer cette petite arme.

 

 

Deuxième déconvenue : impossible de charger le barillet. La cartouche de. 38 spécial ne passe pas. Le barillet n'est pas endommagé, ni encrassé. Alors, pourquoi ?

 

 

J'ai mis un certain temps à trouver. Mon Colt. 38 SPL Colt (pas Smith & Wesson) n'était pas en. 38 spécial, mais, malgré son marquage, en. 38 S&W.

Logique : la police de Hong Kong, formée par les Britanniques, utilisait une cartouche britannique, .380 xxx. Et Colt, désireux de prendre sa part de marché, était prêt à quelques concessions... mais pas toutes. Le calibre serait celui de l'ennemi, Smith & Wesson, mais pas question de marquer ça sur un canon Colt, qui resterait officiellement en .38 SPL Colt (copie conforme de la .38 SPL Smith &Wesson).

Qu'on se rassure : mon impossible Colt n'est pas traumatisé. Il tire la. 38 S&W avec le même bonheur qu'il aurait digéré la .38 SPL, quel que soit son créateur.

16 avril 2021
 

 

Il y a 75 ans: plusieurs tournants dans l'histoire du monde

De nombreux événements essentiels se sont produit, il y a tout juste 3 quarts de siècle. La deuxième guerre mondiale a pris cette année là plusieurs tournants qui allaient changer le cours de l'histoire et qui la façonnent encore aujourd'hui.

Opération Marita

Le 6 avril 1941, l'Allemagne a envahi la Grèce depuis la Bulgarie pour sécuriser son front sud. L'armée grecque, largement inférieure en nombre et en équipement, s'est effondré et Athènes est tombée le 27 avril 1941. Le 28 avril 1941, tout était terminé, ou presque. Le pays était dès lors divisé trois zones d'occupation entre les Allemands, les Bulgares et les Italiens, jusqu'au retrait des troupes italiennes en 1943 et la retraite des Allemands en octobre 1944.

La bataille de Grèce est considérée par certains historiens comme décisive dans le cours de la Seconde Guerre mondiale car l'invasion de ce pays a sans doute rendu impossible un accord entre Hitler et Staline à propos de leurs sphères d'influence respectives. La résistance des soldats grecs a été saluée tant par les Alliés que par les Allemands.


Machis tis Kriti (Bataille de Crète) - Opération Merkur

La bataille de Crète a opposé les troupes britanniques et alliées (néo-zélandaises, australiennes et grecques) aux parachutistes allemands pendant 10 jours, du 20 au 31 mai 1941. Ce fut la dernière bataille de la campagne des Balkans.


Les parachutistes allemands descendent vers la baie de Souda.

Pendant ces deux semaines, la bataille a fait rage ; au moins 4'000 paras allemands ont été tués, et 500 capturés. Les troupes britanniques et néo-zélandaises ont eu 3'500 tués, 1'900 blessés, et environ 12'000 hommes ont été capturés .

La population crétoise a pris les armes contre l'envahisseur et les représailles ont été terribles. Des villages ont été totalement détruits et de nombreux civils ont été fusillés, soit parce qu'ils avaient pris part à la résistance, soit parce qu'il avaient aidé des soldats alliés en fuite.

Mais, malgré de nombreuses atrocités, la résistance n'a jamais faibli et les Crétois sont fiers d'avoir chassé eux-mêmes les Allemands de leur terre en 1945.

Opération Barbarossa

En 1941, tout semblait aller bien pour le 3e Reich et Hitler, suivant un plan dont il n'avait jamais fait réellement mystère, dénonça le pacte germano-soviétique de non agression et ordonna l'invasion de la Russie.

L'opération Barbarossa fut déclenchée le 22 juin 1941, un an exactement après la signature de l'armistice avec la France. Les combats furent féroce et les pertes de part et d'autre.

Pologne, les chars sont prêts à rouler vers l'est.

Comme pour toutes les grandes opérations allemandes pour assurer le "Lebensraum" germanique, des exactions sans nombres accompagnèrent les opérations militaires. Des milliers de civils furet massacrés... juste parce qu'il étaient là, des milliers de Juifs furent éliminés ou envoyés vers les camps de la mort, des milliers de Russes disparurent sans laisser de trace.

Mais l'ouverture de ce deuxième front à l'est a été le pas de trop des Nazis, qui allait conduire à leur perte, après 4 ans de durs combats et tant d'atrocités que l'Europe ne s'est jamais relevée et - aujourd'hui encore - ne peut envisager un nouveau conflit, pourtant déjà en route.

Tora Tora Tora


Les premiers obus sur Pearl Harbor.
 

1941 encore, fut l'année de l'entrée en guerre des Etats Unis. Jusque là, l'Axe comptait sur la neutralité de ce géant peuplé de nombreux Italiens et Allemands. Mais l'attaque, le 7 décembre 1941, de la base de Pearl Harbor a fait 2'403 morts et 1'178 blessés chez les Américains et provoqué leur entrée dans la seconde guerre mondiale. On ne saura sans doute jamais avec certitude si le président Roosevelt était au courant ou non et s'il avait laissé faire l'attaque, pour pousser l'Amérique dans la guerre, mais le résultat est là: les Japonais pensaient assurer leur domination sur le Pacifique. Ils allaient connaître le pire, en août 1945.

 


 

Il y a 100 ans, la Somme

En 1916 eut lieu une des batailles les plus sanglantes de la 1ère guerre mondiale. De mai à novembre, troupes britanniques et françaises d'un côté, allemandes de l'autre, s'affrontèrent de manière sanglante, pendant des mois, sans que le sort de la guerre en soit vraiment changé. L'armée britannique, sur le front de la Somme, était composée de troupes anglaises, écossaises, galloises, nord-irlandaises, canadiennes, australiennes, néo-zélandaises et sud-africaines, auxquelles il convient d'ajouter le corps de travailleurs chinois, chargés du chargement, déchargement et entrepôt des matériels et marchandises.

Trois des principaux fusils de la Grande Guerre, Mauser 1898, calibre 7,92, Lee-Enfield Nr 1 Mk III, calibre .303, Lebel-Berthier, calibre 8 mm.

Ce fut la première offensive conjointe franco-anglaise de la Grande Guerre. Les forces britanniques lancèrent là leur première opération d’envergure, et tentèrent avec les troupes françaises de percer à travers les lignes allemandes fortifiées sur une ligne nord-sud de 45 km proche de la Somme, dans un triangle entre les villes d'Albert du côté britannique, Péronne et Bapaume du côté allemand.

Les "nettoyeurs de tranchées", pistolet Astra Ruby, calibre 7,65 mm, et poignard fabriqué à partir d'une baïonnette.

 

Il s'agit de l'une des batailles les plus meurtrières de l'histoire, plus d'un million de victimes dont
environ 440'000 morts ou disparus. Et tout cela pour un bilan militaire peu convaincant: une douzaine de kilomètres de gagnés sur un front toujours tenu par les Allemands.

En revanche, c'est à la suite de la Bataille de la Somme que le haut-commandement allemand décida de lancer la guerre sous-marine à outrance, ce qui eut pour effet de provoquer l’entrée en guerre des États-Unis en et ainsi le basculement du rapport de forces.

 

Innovations



C'est pendant la Bataille de la Somme que l'on fit usage, pour la première fois dans l'histoire, de chars d'assaut. Les 50 premiers "land ships" (vaisseaux terrestres), baptisés "tanks" (réservoirs) pour tromper l'ennemi pendant leur fabrication, furent engagés. Mais les chars Mark I n’apportèrent rien de décisif à l’issue des combats. Il ne s'agissait encore que d'ébauches, de prototypes, dirait-on aujourd'hui, incapables de rouler plus vite qu'un homme au pas, souvent en panne, dont l'autonomie ne dépassait pas 40 km. En outre, tous les 80 km environ, les chenilles devaient être remplacées.

Mais cette première annonçait tout de même un changement radical dans l'art de la guerre.

Autre nouveauté: l'utilisation du cinéma comme instrument de propagande. Le film "La Bataille de la Somme" montra pour la première fois aux civils les horreurs de la guerre moderne en incluant des images tournées lors des premiers jours de la bataille.

 

Curieusement, la mémoire collective des Français a gardé peu de traces de la Bataille de la Somme tandis que celle-ci tient une large place dans la mémoire collective des Britanniques, des Canadiens, des Australiens et des Néo-Zélandais.

Fantassin allemand, 1916




*****

Alan Seeger (1888-1916, poète américain mort au combat lors de la Bataille de la Somme.

Rendez-vous avec la mort
(I have a rendez-vous with Death)
 


« J’ai un rendez-vous avec la Mort
Sur quelque barricade âprement disputée,
Quand le printemps revient avec son ombre frémissante
Et quand l’air est rempli des fleurs du pommier.
J’ai un rendez-vous avec la Mort
Quand le printemps ramène les beaux jours bleus.
Dieu sait qu’il vaudrait mieux être au profond
Des oreillers de soie et de duvet parfumé
Où l’amour palpite dans le plus délicieux sommeil,
Pouls contre pouls et souffle contre souffle,
Où les réveils apaisés sont doux.
Mais j’ai un rendez-vous avec la Mort
À minuit, dans quelque ville en flammes,
Quand le printemps revient vers le nord cette année
Et je suis fidèle à ma parole,
Je ne manquerai pas ce rendez-vous. »

Qu'est-ce qu'un sniper ?

Selon Wikipedia, "un sniper ou tireur embusqué en français (anciennement franc-tireur), est un tireur d'élite militaire spécialisé, pouvant opérer seul ou généralement avec un binôme (spotter ou observateur en français) en profondeur dans les lignes ennemies, dans le but de transmettre des informations importantes pour le commandement ou de neutraliser une cible". Plus simplement, il s'agit d'un bon tireur chargé d'éliminer des cibles choisies à grande distance.

Mais savez-vous d'où vient l'expression ?

Au 19e siècle, un sniper était un homme qui chassait les "snipes", les bécassines en français. Ce volatile était considéré comme un gibier très difficile, à cause de leur rapidité de vol et de leur constante vigilance. Cette vivacité forçait les chasseurs à tirer de loin, ce qui est à l'origine de la signification moderne du mot.

Les revolvers américains de conversion

Les revolvers convertis de la percussion à la cartouche ont une importance particulière dans l'histoire des Etats-Unis. Pendant une période très courte... une quinzaine d'années à peine, ils ont été des outils privilégiés de la conquête de l'Ouest.

Depuis, Hollywood et le Western ont occulté l'histoire, une véritable entreprise de révisionnisme. Mais dans la réalité, l'Ouest a été occupé dans la seconde partie du 19e siècle, par des colons équipés d'armes à chargement par l'avant ou de revolvers fraichement convertis.

Pendant la guerre de Sécession et les années qui ont immédiatement suivi, armuriers et inventeurs ont montré une incroyable abondance d'idées, les unes remarquables, les autres complètement farfelues, pour l'amélioration des armes de poing.

A l'origine, c'est une question d'histoire et d'esprit chicanier. L'histoire, c'est celle de la guerre de Sécession, qui a failli détruire un pays encore en pleine construction. L'esprit chicanier, c'est celui des grands armuriers du Connecticut, notamment Messieurs Samuel Colt, Horace Smith et Daniel Wesson.

Le jeune Samuel Colt avait piqué son idée de revolver à Elisha Collier, qui avait déjà réalisé un revolver à silex.

Le colonel Samuel Colt ne voulait pas qu'on lui pique les siennes. La première chose qu'il a fait, avant même d'avoir trouvé les fonds pour commencer à construire des armes, c'est de prendre des brevets... un tas de brevets. Puis il lança le Colt Paterson .


 

Ainsi, à cause de Colt, avant 1854, personne ne pouvait théoriquement faire de pistolets à magasin tournant aux Etats-Unis. Et c'est pour cela que, dès qu'ils l'ont pu, Smith et Wesson se sont empressé de lui rendre la pièce, en interdisant à quiconque de faire des armes à cartouches, jusqu'en 1869. Pour cela, ils ont acheté un brevet à un certain Rollin White, un ex-employé de Colt, qui avait inventé un revolver totalement inutilisable, mais avec un barillet qui se charge par l'arrière.

1861-1865, la guerre

Même la guerre de sécession, entre 1861 et 1865, ne change rien: à l'époque, si vous voulez un revolver à cartouches, vous achetez un petit Smith & Wesson .22, voire un .32, rien d'autre.

En Europe, pas de brevet sur les cartouches. Adams, puis Webley en Grande Bretagne convertissent les armes à poudre noire et commencent la fabrication de revolvers de gros calibre à cartouches. En France, l'armée adopte le magnifique revolver Lefaucheux en 1854 déjà.

Mais aux Etats-Unis, pas moyen, Alors on fait des tas de trucs plus fous les uns que les autres, pour tourner autour du brevet que contrôlent Smith et Wesson. Un exemple: le revolver dont la barillet se charge sur le côté, le Slocum .

De son côté, Colt se retrouve coincé avec ses revolvers à percussion. Des revolvers, il faut le dire qui ont tout de même beaucoup de succès, car ils sont superbement fabriqués. Mais il faut avancer et Colt sort un système de conversion inventé par Alexander Thuer : le barillet se charge par l'avant. Mais visiblement, ça ne marche pas bien. D'ailleurs, Uberti a voulu en faire une réplique et ils l'ont même mise dans leur catalogue... 1 fois ! La plupart des Colt modifiés Thuer montrent aujourd'hui un barillet à percussion bien utilisé et un barillet à cartouches quasi neuf.

Et puis on attend. Vers la fin de la guerre, Remington accepte de payer une redevance à Smith & Wesson et peut transformer ses revolvers New Army et New Navy.

La guerre de Sécession a des conséquences terribles pour le pays. Les infrastructures sont toutes détruites ou endommagées et cela engendre une crise économique terrible. Cela encourage de plus en plus de gens à partir vers l'ouest et les territoires libres où on peut refaire sa vie.

Du côté des fabricants d'armes, c'est le marasme: ils ont des stocks ahurissants, car l'armée a passé des commandes jusqu'aux derniers jours du conflit, puis les a annulées sans compensation. Et en plus, l'armée vend ses propres surplus, bon marché, à ceux qui partent vers l'ouest. Plusieurs fabricants d'armes vont simplement disparaître à cette époque.

Chez Smith & Wesson, on ricane et on fabrique... et on vend. En 1869, alors que le brevet sur le barillet touche au bout, Smith & Wesson sort le revolver Nr 3, premier gros calibre américain à cartouches, premier aussi d'une longue lignée .

 

 

Chez Colt (la maison Colt, Samuel est mort en 1862), en 1871, on fait un misérable petit 22 .

 

 

Heureusement, l'armée, qui a d'un côté un budget minable depuis la fin de la guerre et de l'autre un petit problème, là où les colons rencontrent les indiens, l'armée veut des armes plus modernes que ses revolvers à percussion et fait transformer son stock. Avec d'abord les Colt 1860 Army . Conversion de l'ingénieur Richards. Ces armes sont en calibre .44 Colt.

 

 

Après les gros .44, les Colt Navy , avec une conversion Richards modifiée Mason. William Mason, connu aussi pour avoir transformé la carabine Henry, pour créer la première Winchester, le modèle 1866. Les Colt Navy modifiés sont en .38 Long Colt, à percussion centrale ou annulaire.
 


En 1870, chez Colt on a un stock ahurissant de pièces détachées à plus savoir qu'en faire. Surtout dans les petits modèles de poche, comme le Pocket 1849 en calibre .31. Alors on remonte ces pièces pour en faire toute une série de conversions en calibre .38, central ou annulaire. Certaines sont hyper courantes, comme les petits Colt Pocket .38 à percussion centrale ou annulaire. D'autres hyper rares, comme ce modèle, qui existe à 9 exemplaires. Tout cela entre les années 1871 et 1880 environ, jusqu'à ce que les stocks de vieilles pièces soient épuisés.

 

 

Chez Remington, on revend aussi les stocks, une fois adaptés pour les cartouches, notamment dans les modèles de poche. Et on convertit aussi les armes de l'armée . Remington a un gros avantage sur Colt: quand on n'a plus de cartouches, on peut remettre le vieux barillet à percussion et tirer des balles rondes avec de la poudre en vrac.

 

 

Les autres armes de l'époque, Cooper, Bacon, Starr etc. sont la plupart du temps transformées par des armuriers indépendants.

Depuis 1869, Smith & Wesson fait son gros Nr 3. En 1871-72, Colt fait une arme de transition, mais sans pièces de conversion, le Open Top. A partir de 1873, Colt réalise le revolver le plus célèbre du monde . En 1875 Remington sort aussi un revolver moderne.

 

 

Mais les armes de conversion continuent d'inonder le marché jusque dans les années 80. Elles sont relativement bon marché... une douzaine de dollars contre plus de 20 pour un Colt 1873. Beaucoup de ces armes de poches vont être encore transformées pour devenir vraiment facile à camoufler.

 

 

D'autres sont fabriquées en Europe. Voici un revolver, sans doute allemand, mais qui reste un complet mystère pour moi .
 


Les conversions aujourd'hui

La grande époque des revolvers américains se termine vers 1880, même si on peut encore voir ces armes à la ceinture d'aventuriers sur de vieilles photos, jusqu'au début du 20e siècle. Dépassées, usées, elles restent aussi efficaces que d'autres, plus modernes mais plus chères.

Ironiquement, dans le courant du 20e siècle, de nombreuses armes convertie ont été remises à la percussion, pour des collectionneurs qui ont longtemps méprisé ces hybrides. Aujourd'hui, les conversions sont plus chères que leur parentes.

Depuis le début du 21e siècle, un deuxième chapitre a commencé à s'écrire. Les amateurs d'armes s'arrachent les répliques d'armes anciennes. Et les Italiens font aujourd'hui d'excellentes conversions.

 

 

En outre, des armuriers américains ont reconstitué les techniques de conversion de l'ancien temps et les ont appliquées aux répliques modernes, notamment Walther Kirst .

 

F.L. 5 juillet 2015

Un nouveau pistolet pour l'Armée américaine ?

La décision semble avoir été prise en 2013 déjà, mais elle ne semble pas avoir été publiée auparavant.

Les critères établis par le Pentagone

Couleur: neutre, non réfléchissante
Taille: doit convenir à 90 % des mains des militaires
Accessoires: canon fileté pour un modérateur de son et rail pour accessoires
Précision: doit toucher une cible de 10 cm de diamètre 90 fois sur 100
Fiabilité: 2'000 coups avant enrayement, 10'000 avant cassure d'une pièce
Design: ambidextre, recul réduit au minimum, la carcasse doit supporter des pressions de 20% plus élevée que la norme
Balistique: le projectile doit pénétrer 35 cm de gel balistique à 50 mètres
Durée de vie: 35'000 coups

Curieusement, l'armée n'a spécifié aucun calibre. Le 9 mm Parabellum chambré dans l'actuel Beretta a ses critiques (manque de pouvoir d'arrêt avec des balles blindées militaires). Mais le 9 mm est le calibre standard de l'OTAN, ce qui est un argument de taille. Pourtant, dans certains cercles militaires US, on chuchote un retour possible du .45 (toujours utilisé par certaines unités spéciales).

Autrement, on parle aussi du .40 S&W plébiscité par les polices américaines et même du .357 SIG ou du 10 mm.

Les principaux candidats, selon les experts américains:
 

Beretta M9A3, une version améliorée du pistolet en service (voir http://www.beretta.com/en-us/m9a3/), 9 mm

 

Le bon vieux M-1911, de Colt ou d'un autre fabricant américain, ..45 ACP

SIG-Sauer P220, P226 ou P227, 9 mm ou .45 ACP
 

Glock 17 ou 21, 9mm ou . 45 ACP
 

Heckler & Koch 45, . 45 ACP
 

Smith & Wesson MP-45, .45 ACP
 

Springfield Armory XD, .45 ACP (un handicap: l'arme est fabriquée en Croatie)
 

FN 5-7, calibre 5.7x28 mm
 

 

Leatherslap, la naissance du tir pratique

Les compétitions de Leatherslap (dégainage rapide*) ont commencé en 1956, en Californie. Au début, la compétition opposait deux hommes, qui tiraient sur des ballons à un distance de 7 yards (un peu plus de 6 m.). Il n'y avait aucune restriction sur la technique, l'arme, le calibre, l'étui ou la profession. Cette approche fut à l'origine du développement de la Technique moderne du pistolet.

De gauche à droite, Ray Chapman, Elden Carl, Thell Reed, Jeff Cooper et Jack Weaver. John Plähn n'est pas sur la photo, mais faisait partie du groupe de "Combat Masters", qui prenaient régulièrement les 6 premières places des matches.

Jack Weaver est l'homme qui a inventé la position à deux mains qui porte son nom. Elden Carl et Ray Chapman ont affiné cette position en compétition. John Plähn l'a codifiée et a filmé les "Combat Masters" en action, pour analyser les techniques les plus performantes. Thell Reed était connu comme le sorcier au revolver et Jeff Cooper développa la technique de tir de combat, qui est à l'origine du sport actuel de l'IPSC (International Practical Shooting Confederation).


* littéralement: claque au cuir

8 janvier 2015

2014, année jubilaire

 

On commémore beaucoup d'événements, en cette année 2014.
 

200 ans - 1814 (19 juillet): Samuel Colt


Fils d'un fermier reconverti (mal) dans les affaires, Samuel Colt fut un apprenti déplorable, un mousse dans la marine marchande, avant de devenir bateleur (il faisait rire les clients des foires avec du monoxyde d'azote), puis inventeur. Il commença avec une mine marine, électriquement commandée à distance, qui fut refusée par les autorités militaires, car par trop déloyale. Puis il essaya un pistolet à répétition, qui, après plusieurs années de développement, devint le 1er revolver Colt, le "Paterson" (du nom de la ville où il était fabriqué). Encore quelques déboires, puis un premier contrat avec l'armée, pour le modèle 1847, le Walker, qui fut suivi de dizaines d'autres. Colt était lancé. Il mourut en 1862, en pleine guerre de Sécession, alors que ses usines tournaient 24 heures sur 24 pour fournir les soldats de l'Union. On le sait peu, mais Colt avait essayé de monter une usine dans le sud, peu avant la guerre, pour jouer sur les deux tableaux. Il n'en avait pas eu le temps.

 

 

100 ans - 1914 (28 juillet): 1ère Guerre mondiale

Le 28 juillet 1914, l'Autriche déclara officiellement la guerre à la Serbie. Le 1er août, c'était l'Allemagne à la Russie, le 3 à la France. Le 4, le Royaume-Uni déclarait la guerre à l'Allemagne, le l'Autriche à la Russie, le 13 le Royaume-Uni à l'Autriche, le 23 le Japon à l'Allemagne. Enfin, le 3 novembre, la France et le Royaume-Uni déclarèrent la guerre à la Turquie.


Assaut dans la Somme (1916)


Le conflit dura plus de 4 ans et fit environ 9 millions de morts. En 1918, à l'Armistice, la fac du monde "civilisé" avait changé, le communisme s'était implanté à l'est de l'Europe et les graines de la 2e Guerre mondiale étaient plantées par les Alliés qui croyaient que c'était la "der des der".

Accessoirement, mon père, Frédéric Auguste Leutenegger, est né en 1914


70 ans – 1944 (6 juin): le Débarquement

Le 6 juin 1944, les Alliés occidentaux face à l'Allemagne ouvrirent un second front, sur la côte française de Normandie. Le "Jour le plus long" coûta la vie (en plusieurs jours) à plus de 26'000 soldats alliés et de 10'000 allemands. Il marqua le début de la fin de la 2e Guerre mondiale, qui fit en tout environ 62 millions de morts (sans compter les petites purges internes de l'Union soviétique… ajouter un peu plus de 10 millions de morts).


60 ans – 1954 (mai): Diên Biên Phu

La première guerre du Vietnam, qu’on appelait encore l’Indochine, s'est terminée en mai 1954, avec la défaite française de Diên Biên Phu. La bataille dura du 20 novembre 1953 au 7 mai 1954. Pendant plus de 5 mois, une garnison française, comprenant des soldats français, des légionnaires, mais aussi des bataillons Thaïs et vietnamiens, des tirailleurs marocains et algériens (dont on s’accorde à dire qu’ils furent héroïques jusqu’au dernier homme… les Marocains et les Algériens !), lutta contre un ennemi favorisé par le terrain et incroyablement supérieur en nombre.

 


La guerre d’Indochine s’achevait ainsi sur une défaite française, mais dans une gloire immortelle. A la Conférence de Genève, le président du conseil (premier ministre) Pierre Mendes-France entérina le partage de l’Indochine en deux entités politique, le Vietnam nord communiste et le sud impérial et corrompu. C'était le ferment de la seconde guerre du Vietnam, de 1955 à 1975, qui se termina elle aussi par une défaite cinglante des forces anticommunistes, avec la fuite lamentable des Américains depuis les toits de leur ambassade à Saïgon.

60 ans – 1954 (novembre): la Toussaint sanglante et la Guerre d'Algérie

1954, ce fut aussi, grâce à la bêtise des autorités françaises, le début de la Guerre d'Algérie, avec la "Toussaint sanglante". La guerre d'indépendance dura 7 ans, fut marquée par de nombreuses atrocités, par des trahisons, des désertions pour l'honneur… elle fit quelque 30'000 morts côté français, 250'000 côté algérien, même si les chiffres les plus fantaisistes sont encore avancés aujourd'hui des deux côtés. J'ai grandi dans cette Algérie là.

 


Pardonner, toujours. Oublier, jamais !

F.L. 18 juillet 2014

St Gabriel Possenti, 

Patron (officieux) des tireurs

 

St Gabriel de Notre Dame des Douleurs est né Francesco Possenti, le 1er mars 1838. Il était le 11e de 13 enfants.

Francesco eut une enfance quelque peu turbulente… on parle de son amour de la danse, de la chasse et du théâtre, de ses tenues soignées, de son succès auprès des demoiselles. Il était bon cavalier, bon tireur, pas mauvais aux études.

Touché par la vocation après une maladie, il s'engagea dans les ordres en 1856, en prenant le nom de Gabriel. Il n'eut même pas le temps de finir ses études en religion et fut emporté par la tuberculose le 27 février 1862. Il n'avait même pas 24 ans.



Le pape Benoît XV a canonisé Gabriel en 1920 et l'a fait patron de la jeunesse catholique. En 1959, Jean XXIII l'a nommé patron des Abruzzes, la région où il avait fini sa courte vie et où il est enterré. Sa fête est célébrée le 31 mai.

Héros armé

L'Eglise a jusqu'ici obstinément refusé d'en faire le saint patron des tireurs, comme certains le réclament (Saint Gabriel Possenti Society).

La relation entre ce jeune séminariste et les tireurs provient d'un épisode de la guerre d'unification de l'Italie, menée par le roi Victor Emmanuel II. Les jeunes étudiants prêtres avaient été envoyé à l'écart des combats, dans la retrait d'Isola Gran Sasso, dans les Abruzzes. Mais, en 1860, la guerre les rattrapa. Une bande de soldats renégats – apparemment du camp de Garibaldi – arrivèrent jusque là et entreprirent de piller le village. 

Gabriel prit la défense d'une jeune fille sur le point d'être violée… à l'hilarité des rufians qui pensèrent se débarrasser aisément de ce frêle curaillon. 

Mais Gabriel sortit un pistolet, ajusta un petit lézard, un peu plus loin dans la rue et le fit éclater d'une balle bien ajustée. Il avisa les soldats qu'il avait au moins une autre arme sous sa soutane et ceux-ci préférèrent aller exercer leurs "talents" un peu plus loin.

Il existe quelques variantes :
- Les armes étaient soit des pistolets soit des revolvers (comme sur l'illustration), mais, en 1860, dans ce coin retiré, je penche pour des pistolets.
- Les armes appartenaient au jeune homme ou il les aurait arrachées au soldat qui s'apprêtait à baisser son pantalon. Les tireurs aiment penser qu'il s'agissait des siennes, conservées de sa jeunesse turbulente, ce qui expliquerait la précision de son tir.

Dans tous les cas, le jeune homme avait, ce jour-là, sauvé le village de la destruction et du pillage, en faisant usage d'une arme. Ce n'est pourtant pas pour cela qu'il a été canonisé, mais pour sa manière souriante et pieuse d'affronter la mort, deux ans plus tard. Un membre éminent de l'église catholique a d'ailleurs déclaré que, même si Gabriel avait su s'en servir, il aurait rejeté toute idée d'aimer "une arme qui servirait plus tard à assassiner Jean-Paul II et tant d'autres victimes du terrorisme".


Peu importe le point de vue de cette partie de l'église, qui confond les armes et la violence. Gabriel a su, le jour où il le fallait – garder une main sûre face au danger et n'a pas dédaigné empoigner une arme, pour sauver des gens (on dit d'ailleurs que le père responsable du séminaire lui avait donné l'autorisation de sortir armé, au devant des pillards).

Honneur donc à Saint Gabriel, patron de la jeunesse catholique, des Abruzzes et des tireurs !

F.A.L. 01.01.2007

Une énigme vieille de 30 ans

Durant la Pentecôte 1976, on découvrait les cadavres de cinq personnes dans une maison de vacances, près de Seewen, dans le canton de Soleure. Tous avaient reçu plusieurs balles dans la tête. Trente ans après, la tuerie n'a toujours pas été élucidée. 

La police avait très rapidement établi, d'après les balles et les douilles retrouvées sur les lieux, que l'arme du crime était une reproduction de Winchester 1866, en calibre .38 spécial.

Alors qu'il n'existait pratiquement aucun registre digne de ce nom, toutes les polices cantonales avaient été mises en branle et elles avaient retrouvé pratiquement toutes les carabines de ce type existant en Suisse (à l'exception de celle du meurtre). 

Nous nous souvenons que la police vaudoise nous a demandé notre "Yellow Boy", pour des essais balistiques. Jamais cette carabine n'avait été aussi bien nettoyée que quand la police nous l'avait rendue.

20 ans après 

En 1996, l'enquête a fait un important pas en avant. Lors de la rénovation d'un appartement à Olten, des ouvriers retrouvèrent l'arme du crime, cachée derrière des meubles de cuisine. 

Elle appartenait au suspect, qui avait déjà quitté la Suisse, l'appartement à sa mère. Le meurtrier présumé pourrait se trouver aujourd'hui en Afrique. Il n'a plus donné signe de vie depuis 1976. 

Un acte gratuit ?

Après trente ans et malgré l'étude de nombreux indices, la police n'arrive toujours pas à expliquer la tuerie. Elle ne sait pas non plus si le suspect connaissait ses victimes ou s'il s'agit d'un acte gratuit. 

La dernière piste envisagée par les enquêteurs il y a environ quatre ans n'a mené à rien. La police soleuroise et la police allemande se sont demandées si le meurtre aurait pu avoir un lien avec l'ex-Allemagne de l'Est et sa police secrète, la Stasi. 

Aujourd'hui, le quintuple meurtre est prescrit. 

F.A.L. 2 juin 2006

Un Colt de spécialiste

Le mensuel germano-suisse Visier – Schweizer Waffen-Magazin publie, dans son numéro de mai, un article passionnant sur le revolver Colt 1878 .

On y apprend l'ascendance européenne des revolvers double action de chez Colt. Le chef du bureau londonien de Colt, le baron Frederick von Oppen, Allemand naturalisé Anglais, réclamait une arme "moderne", alors que les Américains se contentaient du Single Action Army … à peine plus évolué que les armes de la Guerre de sécession.

A l'époque, les Anglais ont le revolver Adams, les Français le 1873, les Suisses le 1872 . Le Colt 1873 fait figure d'ancêtre, le jour même de sa naissance.

A Hartford, on résiste un temps aux prières de von Oppen… jusqu'en 1877, quand l'ingénieur de génie William Mason* crée les revolvers connus des collectionneurs sous le nom de "Lightning" (.38) et "Thunderer" (.41) . Des armes à petite carcasse et relativement fragiles, mais suivis en 1878 par le grand modèle, version en double action du revolver de l'armée. Aux Etats Unis, le 1878 fut un relatif échec commercial, environ 50'000 pièces fabriquées… sept fois moins que pour le simple action. De nombreuses histoires d'enrayements ou de précision aléatoire ont contribué à accabler le '78, alors que les défauts qu'on lui reprochait étaient ceux de toutes les armes de l'époque… y compris le Colt SAA que les mêmes articles couvraient de louanges.

Un '78 custom

Le Colt 1878 que nous avons sous la main pour examen est un modèle (presque) standard, à canon de 4 ¾", en calibre .44-40. Avec le numéro 33xxx, il date de 1893. standard, il l'est au premier abord, mais, ce qui passe à première vue pour les cicatrices récoltées au cours de sa longue carrière, sont en fait des modification intéressantes.

Les plaquettes de crosse en bakélite sont toutes deux cassées à l'arrière, à l'emplacement du téton de fixation. C'est classique sur les armes de l'époque. Mais ces plaquettes là portent d'autres marques :
- vers le haut, entre le médaillon Colt et la carcasse, un striage grossier des deux côtés ,
- même striage grossier sur tout l'arrière de la plaquette gauche ,
- même striage, sous la plaquette droit (jusqu'à la brisure, ceci pouvant expliquer cela) ,
- rognage brutal sur la partie avant de la plaquette droite. On dirait que la bakélite a été creusée au canif ou à la gouge, par un saboteur idiot .

Idiot, il ne l'était pas. Autre modification, apparemment sans raison (qu'on ne décèle d'ailleurs pas immédiatement) : le téton d'ouverture de la portière de chargement (une vis) a été considérablement raccourci .

Et là, tout s'éclaire : le professionnel qui a acheté cette arme il y a un peu plus de 100 ans avait des mains de taille moyenne aux longs doigts et il était gaucher !

En effet, le striage grossier, en haut des plaquettes et sur l'arrière de la plaquette gauche, a été fait pour diminuer légèrement la circonférence de la crosse de l'arme, en des endroits critiques pour une prise en main optimale , pour un tir rapide, que ce soit en simple ou en double action (je pense que le ressort a en outre été adouci, mais sur une arme aussi vieille, c'est impossible à assurer). 

Sous la plaquette droite et devant celle-ci, ce striage offre une prise aux doigts.. mais seulement quand on tient l'arme de la main gauche. Et le bouton raccourci, c'est tout simplement pour ne pas se faire mal au pouce lors du recul… des mains moyennes, disais-je, aux longs doigts. L'expérience confirme ces observations : tenu de la main droite, le revolver n'a pas la même stabilité que de la main gauche, dans laquelle il tient parfaitement la ligne de visée.

Le Colt 1878 numéro 33xxx était bien l'arme d'un professionnel, gaucher, disposé à diminuer la valeur apparente de son arme, pour lui assurer la précision et la rapidité qui lui sauveraient peut-être la vie.

Billy le Kid ?

Henry McCarthy, alias William Bonney, alias Billy le Kid, n'était pas gaucher, contrairement à ce qu'on a longtemps cru (il y a même un film là-dessus, "Le Gaucher" d'Arthur Penn), à cause d'une photo développée à l'envers. L'erreur est pourtant évidente : la portière de chargement de la Winchester du Kid est du mauvais côté, sur la photo .

Le spécialiste au '78 l'était. Il était sans doute bon, avec son arme modifiée. Le soin apporté à la modification – même si elle paraît grossière, pour un collectionneur attentif à la valeur vénale de l'arme – montre ce souci de précision et de rapidité, que peu de gens éprouvaient à l'époque, contrairement à ce que tentent de faire croire les westerns.

Ce n'était sans doute pas un citadin, garde du corps ou tueur, qui aurait choisi une arme plus facile à dissimuler. Reste l'hypothèse de l'aventurier ou du soldat de fortune. Peut-être la lettre d'origine demandée à Colt apportera-t-elle quelques éclaircissements.

Je vous tiendrai au courant.

* William Mason s'était déjà fait connaître par sa modification de la carabine Henry (portière de chargement), qui devenait ainsi la Winchester 1866, puis par les conversions de revolvers Colt à percussion en armes à cartouches métalliques et enfin par la création du Colt SAA 1873.

F.A.L. 22 avril 2006

Bayard : la première fabrique mécanique belge d’armes à feu

Fruit de nombreuses années de recherche et d’une collaboration internationale, l’histoire des Pieper et de leurs successeurs fait l’objet d’un ouvrage de 336 pages format A4 abondamment illustrées de photos et de documents, pour la plupart inédits.
C'est l’aventure de la firme liégeoise à l’emblème du Chevalier Bayard – Pieper & Cie. Fondée en 1859 par un immigré allemand, nommé Henri Pieper, elle devint rapidement la plus importante fabrique mécanique d’armes de chasse de la région liégeoise. 
Henri Pieper fut également, avec d’autres armuriers de la cité mosane, à l’origine de la création de la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre de Herstal, toujours en activité à l’heure actuelle. Malgré des passages difficiles, dus entre autres à une incursion infructueuse dans la construction d’automobiles et aux affres des deux guerres mondiales, elle poursuivit ses activités jusqu’en 1957 et alimenta le monde entier en fusils de chasse de tous modèles, carabines, pistolets et revolvers, cartouches pour armes de poing, etc.

L’auteur, Michel Druart, n’est pas un nouveau venu dans le monde des armes. Longtemps rédacteur des revues belges AMI et FIRE, il connaît particulièrement bien le sujet sur lequel il a travaillé pendant de nombreuses années.

Le résultat est un ouvrage de 336 pages en format A4, abondamment illustré de photos, extraits de catalogues, publicités et documents d’époque, et comportant des tableaux de synthèse des productions armurières d’Henri Pieper et de ses descendants. 

BAYARD : les Hommes, les Armes et les Machines du Chevalier – Pieper & Cie – 1859-1957 par Michel DRUART

(Contact : M.DRUART – Rue Capitaine Jomouton 23, B-5100 Jambes, Belgique – email : mikedelta67@hotmail.com)

Un Beretta « Molto Speziale » !

(english)

Il y a quelque temps, je suis tombé sur internet, sur l’offre d’un armurier suisse alémanique : « Beretta 1934, nicht original, nur (seulement) 60 fr. »

Intrigué, j’ai demandé une photo et, du coup, je me suis précipité pour faire les papiers d’acquisition. Ce pistolet était bien un Beretta 1934… mais « molto speziale », très spécial ! Un mini 34, raccourci dans tous les sens, pour mieux entrer dans la poche de gilet d’un James Bond, qui aurait compris que le 7,65, pas plus que le 6,35 ne suffit à stopper les sbires du « Spectre » !

Ce James Bond venait peut-être du nord, car ce Beretta porte, comme l’original avec lequel je l’ai comparé, le marquage «SA» (pour Suomi Armee, Armée finlandaise). Les deux armes portent également la date de fabrication, 1942, et un numéro très proche : 953xxx pour l’original, 951xxx pour le modifié.

Modifications

L’arme a été raccourcie de 3 cm en longueur (2 cm pour le canon). La culasse a été coupée, puis ressoudée. Tout l’avant de l’arme a ensuite été affiné et le guidon a été supprimé. A l’arrière, la hausse a elle aussi disparu et toute cette partie de la culasse a été abaissée, pour permettre au pouce de mieux balayer la chien. Le chien a lui-même perdu son anneau et à l’arrière de la carcasse, on a raboté l’ergot.

La poignée a elle aussi été raccourcie, de 2 cm, de même que le magasin, qui ne contient plus que 5 cartouches (au lieu de 7). Le crochet arrêtoir de chargeur a été arrondi, pour éviter de blesser la paume du tireur et l’ergot du magasin a pris des dimensions beaucoup plus modestes.

La carcasse a été tellement raccourcie que, pour pouvoir prendre l’arme avec deux doigts encore, il a fallu creuser sous l’arrière du pontet. Mais ce faisant, l’armurier a été trop loin et il a dû ensuite reboucher un trou malencontreux avec de la soudure.

L’ensemble de l’arme a été laissée en blanc, à l’exception du canon bleuté noir. Il semble que les plaquettes de crosse originales en bakélite noire et métal ne convenaient plus (perdues, cassées ?). Le « Speziale » porte aujourd’hui des plaquettes de bois clair (sapin ?), fixées par deux vis de chaque côté, qui remplacent la vis unique d’origine. C’est la partie de la transformation qui semble la moins « professionnelle ».

Résultat : ce Beretta 1934 « Speziale » est un petit pistolet à 5+1 coups, de 9 mm court, dont la taille équivaut à celle d’un 6,35 moyen. La prise en main est excellente et le recul tout à fait supportable. Sans hausse ni guidon, le tir n’est réaliste qu’à faible distance, mais, jusqu’à 10 m., on tient la cible et le James Bond nordique devait se sentir réconforté, face à tous les périls rouges, par le poids de son petit « Speziale », dans sa poche de gilet.

Toutes les photos, en plus grand

 

Caractéristiques techniques

Original     

Speziale   

Longueur hors tout

15 cm

12 cm

Hauteur 

12 cm

9,5 cm

Longueur culasse

13 cm 

11,5 cm

Longueur canon

8,8 cm 

6,7 cm

Longueur carcasse

12,5 cm 

11 cm

Hauteur carcasse

9 cm 

7 cm

Hauteur magasin

10 cm 

8 cm

Poids

650 grammes 

490 grammes

Capacité du magasin

7 cartouches 

5 cartouches

 

 


"Kill'em all. Let God sort'em out!"

Tous ceux qui s’intéressent aux forces spéciales ont sans doute lu ou entendu un jour cette phrase (traduction : « Tuez les tous, Dieu fera le tri ! »).

Historiquement, elle est attribuée à un certain Amal Ulric, responsable du siège et de la prise de la ville de Béziers, au 14e siècle, pendant la Croisade des Albigeois. Selon un moine allemand, qui a transcrit les faits deux mois après l’événement, Amal Ulric aurait donné l’ordre de mettre à sac la cité et de tuer tous les survivants. Un de ses lieutenants lui fit alors remarquer qu’il y devait y avoir dans la ville un nombre appréciable de bons catholiques. Et Ulric répliqua : « Neca eos omnes. Deus suos agnoscet »… ce qui se traduit par : « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » 

Depuis, c'est devenu une sorte de "carte de visite" des Bérets verts !

Suite 
Après publication de cet article, j’ai reçu d’un correspondant d'utiles précisions. Je vous les livre :

La date exacte du sac de Béziers par les hordes venues du Nord (je suis né à Béziers...) est le 22 juillet 1209, donc au XIIIème siècle.
Première étape de la croisade contre les albigeois, Béziers vit la totalité de ses habitants passés au fil de l'épée ou brûlés (17 000 morts suivant les historiens les plus sérieux).
L'abbé de Citeaux, Arnaud-Amaury, aurait dit, lorsqu'on lui aurait demandé comment reconnaître les hérétiques des bon croyants : «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !»
Vérité ou invention de l'histoire ?
Cependant, la haine vouée à l'égard des biterrois (habitants de Béziers) était telle parmi les croisés du Nord, que Pierre des Vaux-de-Cernay, le chroniqueur (nordiste) de la croisade, a écrit (ça c'est vérifiable...) : 
«Béziers était certes une ville très remarquable, mais toute entière infectée par le poison de la dépravation hérétique. Non seulement ses habitants étaient hérétiques, mais ils étaient les derniers voleurs, injustes, adultères, larrons, remplis de toute sorte de pêchés ...»
Ces quelques lignes montrent à quel point on peut justifier des tueries barbares par des arguments extrémistes et fanatiques... Toujours actuel !

La tyrannie de la collection – 2
Le thème


"Et vous, votre thème de collection, c'est quoi ?" Question classique entendue à chaque bourse aux armes, ou presque, que l'on soit en admiration devant une rapière niellée et ciselée ou devant un monstre noir, plastique-métal peint.

Avis d'un "grand" collectionneur : "Il y a les amateurs… ceux qui amassent des armes et les collectionneurs… ceux qui ont un thème" (lu dans Guns, février 2003).

Bien sûr qu'il y a quelques thèmes qui me branchent particulièrement. Bien sûr que chacun d'entre nous va se sentir attiré par un truc et pas l'autre. Heureusement, d'ailleurs… ce serait dur, si nous étions tous à la poursuite de la même vis de 1822 T bis, modifié 36, rectifié 48 !

Qu'est-ce qui nous fait collectionner les armes ? Les raisons sont multiples… il est rare qu'un collectionneur en avance une seule.

- Il y a la beauté… certaines armes (et pas forcément les plus chères et les plus chargées d'ornements) sont des œuvres d'art devant lesquelles même certains hoplophobes sont capables d'éprouver une émotion (?).
- Il y a l'intérêt mécanique, avec d'une part les systèmes plus ou moins farfelus, inventés dans les grandes époques de développement et d'autre part l'évolution artisanale, puis industrielle qui est toujours liée au développements armuriers.
- Il y a l'intérêt historique… en effet, quoi qu'en disent les "spécialistes" de plus en plus nombreux qui prétendent que l'histoire humaine est une suite de tableau idylliques de civilisation, qui se succèdent au gré de ce fameux "vent de l'histoire", la réalité, c'est que les armes ont toujours accompagné les changements de tableaux. Sans elles, pas de progrès, sans elle pas d'histoire. Elles ont servi les tyrans et les combattants de la liberté (quels que soient les sens qu'on place dans ces mots), les gangsters et les policiers, les assaillants et ceux qui se défendaient. Partout, elles ont laissé des traces, des traces qui sont notre histoire.

- Il y a la "romance"… qu'un amateur d'armes vienne me dire qu'en prenant en main un Colt Single Action ou une Winchester, il n'éprouve rien de particulier. Moi, chaque fois, je vérifie du coin de l'œil que mon cheval est bien attaché, avant d'entrer au saloon.

- Plus loin que la romance, il y a parfois le fantasme… en brandissant un "riot gun" à pompe ou un fass équipé d'un laser, d'une visée nocturne, d'un chargeur à mff coups, d'une caméra digitale et d'un service à café complet, certains d'entre nous se sentent très proches de Rambo et de tous ses frères mal aimés de la civilisation moderne.
- Et puis, il y a le simple plaisir… totalement inexplicable, que nous procurent ces objets qui contiennent une part du génie de l'homme.

Cela dit, je renvoie le "grand collectionneur" à sa maxime. Selon moi, ceux qui s'acharnent sur un seul thème sont les amateurs-amasseurs. Ce sont les collectionneurs qui restent insatisfaits, tant qu'ils n'ont pas réunis (souvent au fond d'une armoire qu'ils n'ouvrent jamais que pour rajouter une pièce) absolument toutes les variantes du modèle xyz. Toutes sans exception : "attention, en 1927, la tête de vis de pontet faisait un demi millimètre de diamètre en plus !"

A l'inverse, j'ai connu un collectionneur qui ne possédait jamais plus d'une ou deux armes simultanément. Il étudiait son arme passionnément… il apprenait tout ce qu'il pensait pouvoir découvrir sur elle… puis passait à une autre. J'avoue que j'aurais de la peine, car même certains "nanars" qui traînent dans ma collection font partie de MA collection.

Mais j'apprécie beaucoup les collectionneurs qui ont, selon l'expression, "plus d'une corde à leur arc". On peut avec eux disserter des techniques de combat à l'épée de l'âge du bronze (estoc… le coup de taille était interdit par la faiblesse de la fixation à rivet des lames)… et quelques minutes plus tard se pencher ensemble sur la véritable révolution qu'ont entraînée les mouvements de libération de "l'ère Kalashnikov". On peut avec eux admirer une platine à pierre et dans la foulée, un mécanisme de tir en rafale. On peut polémiquer sur l'utilité pour un vrai combattant (que nous ne sommes généralement ni les uns, ni les autres) des petits fusils en plastique modernes. En bref, on a l'esprit ouvert.

Il faut des spécialistes, capables au premier coup d'œil de dire que le "trésor" qu'on vient de trouver, n'est en fait qu'une variation assez courante d'un modèle standard… et capables de vous renvoyer au sources du savoir. 

Mais il est rafraîchissant de discuter avec des "honnêtes hommes" à l'esprit aussi large que leurs thèmes de collection.

F.A.L. Mai 2003

Essai d'une carabine révolutionnaire
La Spencer, modèle 1863

Cet essai, effectué par le président des Etats Unis Abraham Lincoln en personne a été raconté par la suite par l'inventeur lui-même, Christopher Spencer (1833-1923).

"Le 18 avril 1863, j'arrivai à la Maison Blanche, le fusil à la main et je fus immédiatement expédié au bureau exécutif. Je trouvai le président seul. Après une brève introduction, je sortis le fusil de sa boite et le lui présentai. L'inspectant soigneusement et le manipulant comme quelqu'un de familier avec les armes il me demanda de le démonter, pour voir "les entrailles de la chose ". Le fusil aussitôt disséqué fut rapidement étalé sur la table devant lui. Après un examen attentif et une approbation solennelle, il me demanda si j'avais des rendez-vous le lendemain. Quand je répondis que j'étais à ses ordres, il me demanda de venir à 2 h. Nous irions dehors, voir cette chose tirer.

Arrivé à l'heure dite, je trouvai la place préparée pour un tir (à peu près où se trouve actuellement le monument de Washington). Son fils Robert nous accompagnait, de même que des officiers de marine, qui portaient la cible, l'arme et les munitions. Arrivé à l'opposé du Département de la Guerre, le président demanda à Robert de retourner demander à M. Stanton (Secrétaire à la Guerre) de venir voir tirer le nouveau fusil. Robert revint vite et expliqua que M. Stanton était trop occupé pour venir. " Eh, bien, dit le président avec humour, ils s'arrangent bien pour avoir l'air occupé, par-là ! "

En attendant Robert, M. Lincoln avait remarqué qu'une des poches de son costume d'alpaga noir était déchirée. Prenant une épingle dans son gilet, il fit un rafistolage en remarquant : " Ça ne fait pas sérieux pour le Premier magistrat de cette grande République, ha, ha, ha ! "

Arrivé sur la ligne de tir, M. Lincoln, jetant un coup d'œil en direction des cibles, dit : " Il me semble que j'aperçois la carcasse d'un gentleman de couleur, par-là en bas… " et il ordonna que la cible soit placée de manière à éviter tout accident. La cible était un carton d'environ 15 cm de large et 90 cm de long, avec un point noir près de chaque extrémité. Le fusil contenait 7 cartouches. Le premier coup de M. Lincoln fut bas, mais le suivant fit mouche et les cinq autres furent très proches. " Maintenant, dit-il, laissons l'inventeur l'essayer. " J'avais un entraînement quasi quotidien avec cette arme et naturellement je tirai un peu mieux que le président. " Bien, dit-il, vous êtes plus jeune que moi, vous avez de meilleurs yeux et des nerfs plus solides. " La partie de la cible tirée par le président fut coupée par un officier de marine et me fut remise quand nous repartîmes vers les marches de la Maison Blanche."
 

Contre la tyrannie de la collection

"Non, non… cette arme n'offre aucun intérêt. Voyez, elle a été rebronzée". Combien de fois ai-je entendu cette phrase, ou encore celle-ci : "L'état d'une arme est primordial. Les pièces en mauvais état, réparées ou transformées, n'ont pas leur place dans une collection digne de ce nom".

Je ne suis pas d'accord… mais alors pas du tout. Les pièces qui ont vécu parlent plus souvent au collectionneur que je suis que d'autres encore à l'état neuf. C'est vrai qu'on s'extasie devant un Colt Navy 1851 qui a conservé tout son bleutage, dont le vernis de la crosse ne montre pas la moindre égratignure. Un revolver dans cet état est superbe… aussi beau ou presque qu'une réplique d'Uberti ! Mais que raconte-t-il de la guerre de Sécession, des luttes entre colons et Indiens, entre shérifs et hors-la-loi ?

Au contraire, ce Remington New Army, sur lequel le bleu laisse place à une patine brune, marqué de plusieurs griffures aux plaquettes de crosses salement marquées et écornées, mais où on arrive encore à lire les initiales de l'inspecteur (G P)… ce revolver a fait la guerre en Amérique. Il est le témoin des souffrances des deux camps. Il a fait la guerre en France, contre les Prussiens de 1871 et il a subi avec son propriétaire les rigueurs d'un hiver terrible dans le Jura. Avant de me raconter ces époques fascinantes dans ma collection, il a fini sa carrière militaire dans l'étui d'un officier suisse. Ce revolver appartient à l'histoire.

Je crois qu'une des pièces les plus émouvantes que je possède est une demi-baïonnette, une Modèle 1907 britannique, qui devait se trouver au bout d'un SMLE Lee Enfield, au moment de la débâcle anglaise en Crète, en 1942. Elle a été retrouvée, en bien triste état, dans la terre de Sfakia, le petit port du sud de l'île d'où les soldats britanniques ont pu embarquer, pour s'échapper vers l'Afrique du nord et continuer le combat contre les nazis. Pendant ce temps, les résistants crétois se faisaient massacrer sur place, pour couvrir leur retraite.

Cette baïonnette a vécu tout cela. Aujourd'hui, elle me parle d'histoire, comme parle l'Astra 400 de la Guerre d'Espagne, le Smith & Wesson Victory parachuté en France et rechambré du .38 spécial en .38-200 britannique, pour accepter les cartouches à disposition de la résistance (l'arme est à l'origine un modèle U.S. et non une arme du contrat britannique).

Encore un exemple : ce fusil 1842, au canon et à la crosse coupés. Après les guerre s napoléoniennes qui ont ensanglanté une bonne partie de la Suisse, après l'aimable épisode du Sonderbund, je vois, chaque fois que je prends cette "lupara" helvétique, le paysan libéré du service, qui décide que "non, on ne m'embêtera pas chez moi" et qui transforme son fusil d'ordonnance en arme de défense à courte distance. On peut même sentir du doigt, à l'intérieur du pontet, la marque du clou auquel cette "assurance domicile" a été accrochée… sans doute à une poutre, à côté de la porte de la grange…

Pour les collectionneurs d'armes d'ordonnance helvétique, cette chose n'offre plus aucun intérêt. Pourtant, entre cette arme mutilée et la collection de fusils neufs de l'arsenal de Soleure, laquelle peut raconter le citoyen-soldat du 18e siècle ? laquelle affirme, par ses blessures et ses marques, "j'étais là !" ?

Je ne dis pas qu'il faut rechercher les épaves, mais au moins qu'il ne faut pas les mépriser. Et je pense que des armes qui ont "vécu" représentent souvent des pièces de collection plus intéressantes que d'autres, "neuves dans la boite".

Essayez ! En jetant un œil neuf sur des pièces délaissées de votre collection… des armes qu'on peut dater, par exemple, grâce aux données de la partie Technique de ce site, en réunissant de la documentation sur les événements auxquels elles ont participé, vous trouverez en elles de nouvelles sources de plaisir.

F.A.L. Décembre 2002