Frank A.
Leutenegger
1608
Oron-le-Châtel
Office fédéral de la police
Office
central des armes
Taubenstrasse 16
3003 Berne
Concerne :
Consultation sur la révision de la loi fédérale sur les armes
Oron-le-Châtel,
le 13.11.2002
Messieurs,
Dans le cadre
de la consultation sur la révision de la loi fédérale sur les armes, je
voudrais apporter les commentaires que voici:
Art. 9
(abrogé) : l'abrogation de cet article peut se comprendre sur le plan
théorique. Cependant, l'évidence de l'inefficacité de la mesure – et même de
son effet contraire – la rend non seulement inutile, mais dangereuses, par
rapport au but recherché. En effet, l'instauration du régime du permis entre
particuliers ne peut qu'encourager le développement du marché noir. Les
policiers interrogés par les médias n'ont pu éviter de le constater. En outre,
on voit mal comment le renforcement d’une mesure – décrétée au départ
incontrôlable – peut amener un meilleur contrôle. Enfin, si les émoluments de
traitement des demandes d'autorisations sont maintenus à leur niveau actuel,
les coûts d'acquisition d'armes de faible valeur deviendront exorbitants et
conduiront très probablement à une violation fréquente de la loi telle que
proposée.
Par
ailleurs, lorsque votre commission affirme dans son rapport que les
dispositions légales actuelles concernant les transactions entre particuliers
sont rarement respectées, elle est carrément insultante envers l'immense
majorité de propriétaires d'armes, collectionneurs, tireurs ou chasseurs,
honnêtes et respectueux de la loi. En outre, étant donné que votre commission
reconnaît par ailleurs l'absence d'informations à ce sujet, son accusation est
parfaitement gratuite (et donc doublement insultante).
Art.
10 : Il est évident que les armes qui restent en vente libre seront
vendues sans le moindre papier. Ce qui était jusqu’ici acceptable devient
insupportable et cet espace de liberté sera vite occupé jusqu’à l’abus (qu’on
ne constate pas jusqu’ici, quoi qu’en dise votre commission).
Art.
11 : On comprend mal comment votre commission – qui considère que les
amateurs d’armes les échangent entre eux sans remplir leurs obligations – espère
voir des contrats pour des pistolets à lapins transmis dans les 30 jours à
l’autorité policière. Quand une mesure est à l’évidence inapplicable, il vaut
mieux ne pas la proposer !
Art.
15 : Cet article implique que le Conseil fédéral décide souverainement de
quelles munitions le citoyen peut disposer et de quelles quantités. Une
délégation de compétence de plus qui permet n'importe quel abus, non de la part
du citoyen, mais de celle de l’administration.
Art.
16 : Le contrôle des ventes de munitions par une société de tir est
illusoire. En outre, une nouvelle fois, la délégation de compétence au Conseil
fédéral ouvre toutes les portes. Si le DFJP peut fixer quelles sont les
manifestations de tir autorisées, c’est tout le tir en Suisse qui est menacé.
Art.
17a : Cet article n'est là que pour prendre de l'argent au contribuable,
pas pour lutter contre les abus d'armes : à partir du moment où un permis est
obligatoire pour acheter les armes, on ne voit pas du tout la nécessité d'un
autre pour les vendre !
Art. 18a :
Cet article fera très bien dans les déclaration de notre représentant à l'ONU.
A part cela : pffff ! Je ne connais pas d'arme moderne circulant en Suisse qui
ne soit numérotée de façon satisfaisante.
Art. 19
: On ne comprend pas le renforcement de
cet article. A ma connaissance, il n'y a jamais eu d'abus avec fabrication ou
transformation d'arme depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale.
Art. 20 :
Même remarque que précédemment.
Art. 27 :
La nuance apportée à propos du port d'une arme
"dans un lieu accessible au public" amène un danger
d'intrusion dans la vie privée. En effet, en théorie, on peut considérer un
jardin privé comme "accessible au public", s'il n'est pas entièrement
clôturé.
Art. 29 :
Cet article est inadmissible et parfaitement anticonstitutionnel. Il propose
tout bonnement d'instaurer la perquisition administrative (sans mandat) du
domicile de particuliers sur simple soupçon d'infraction à la LArm. Il faut
rappeler que le respect du domicile est un principe protégé constitutionnellement
(art 13I Cst féd) et conventionnellement (art 8I CEDH). La police ne peut
pénétrer dans un domicile qu'en cas de danger concret imminent sur la base des
principes découlant de l'état de nécessité et dont l'opportunité peut faire
l'objet d'un contrôle judiciaire ultérieur, ou en cas de perquisition ordonnée
par le juge qu'il prononce si elle est indispensable pour assurer l'instruction
d'une procédure pénale. En écartant la sanction du juge (préalable ou à
posteriori), on donne à la police tous les droits : cela s'appelle Etat
policier !
Art. 30a :
La proposition de cet article est tout bonnement scandaleuse : il s'agit tout
simplement d'institutionnaliser le régime de la délation… et cela sur simple
indice qu'il pourrait y avoir motif d'exclusion ! Et votre rapport
d'accompagnement ose affirmer qu'il s'agit d'une "obligation de coopérer
courante dans la procédure administrative". Nostalgie du 3e Reich !
C'est à se
demander si cette nouvelle disposition n'a pas été introduite uniquement dans le
but d'occulter les autres problèmes du projet de révision et de faire ainsi
diversion.
Art. 31 :
La saisie d'armes, éléments, etc. que quelqu'un possède sans droit implique une
spoliation de fait, alors que – compte tenu des rapports que les Suisses ont
toujours eu avec les armes - la révision tout entière vise à générer des
quantités d'honnêtes citoyens criminels, possédant sans droit des armes
(parfois même sans le savoir).
Art.
31a et 31b : L'avalanche de fichiers
nouveaux laisse pantois ! Et toutes ces données peuvent être communiquées, sans
contrôle de justice, à toutes sortes d'autorités, y compris étrangères ? Cet
article peut impliquer des conséquences dramatiques pour certains étrangers,
habitant en Suisse qui possèdent des armes. S'ils rentrent dans leur pays, ils
risquent des ennuis considérables, de la part de leur police nationale, avertie
de leur "dangerosité".
Art. 31c :
Que la Confédération s'offre à racheter les armes de ceux qui n'en veulent pas
paraît bon. Mais les personnes qui sont légalement propriétaires de ces armes
ne devraient pas se trouver forcés de s'en débarrasser.
Par
ailleurs, le rapport ajoute que les armes rachetées seront détruites ou
utilisées à des fins d'information. Il
faut également prévoir une possibilité de conservation dans le cadre du
patrimoine historique. Ce serait en effet une honte de voir la Confédération
détruire des objets de valeur historique, par le simple fait que rien n'a été
prévu pour les conserver.
Art. 34 : A l'al. 1, lettre l, on annonce des sanctions contre
toute personne qui contreviendrait "d'une autre manière" à la loi.
Cela implique que nul ne peut savoir à l'avance quels actes sont concernés par
cette disposition. Dans ces conditions, la loi ne peut être comprise. Elle ne
peut donc être appliquée.
Art. 39 : A
la lettre C, on annonce la création d'un service nouveau de la police fédérale,
pour exploiter les traces laissées par les armes à feu. Il s'agit donc
d'inscrire dans une loi l'extension des pouvoirs de la police fédérale (?).
Cette création devrait faire l'objet d'une procédure différente.
Art. 42 :
En tant que collectionneur et citoyen suisse, je ne peux que m'opposer à cette
obligation de déclarer quelles sont les armes, éléments d'armes, de munitions,
etc. qui sont en ma possession. C'est une mesure d'enregistrement grave, qu'on
veut faire passer sous couvert de "dispositions transitoires. En outre, la
disposition est stupide : va-t-on me condamner, si je me trompe de quelques
centaines dans mon compte de douilles ?
Comme
relevé plus haut, les mesures d'enregistrement sont trop souvent les prémisses
de la confiscation. Et d'ailleurs, celle-ci semble déjà annoncée par
l'incertitude en ce qui concerne la possibilité de conserver certaines armes,
jugées par trop dangereuses et dont on ne connaît même pas la nature exacte.
Dans
l'ensemble, tout ce projet, malgré la déclaration faite dans le rapport (1.2),
il s'agit bien d'une refonte quasi totale de la loi sur les armes, moins de
quatre ans après son introduction. Et on ne peut que constater, malgré, là
aussi, la dénégation (1.1.2) selon laquelle elle n'au aucun rapport avec des
législations étrangères, qu'il s'agit d'un rapprochement considérable avec les
dispositions européennes. Au vu de la réussite du point de vue de la sécurité publique
des législations française et allemande, notamment, on a de la peine à
comprendre l'empressement à les imiter.
En vous
remerciant d'avoir pris le temps de prendre connaissance de ce qui précède et –
je l'espère – d'en tenir compte dans la mise au point de cette révision, je
vous prie d'agréer, Messieurs, l'expression de toute ma considération.